Pour être valide, un contrat doit tout d’abord respecter :
- Le consentement des parties ;
- Leur capacité de contracter ;
- Un contenu licite et certain.
1°/ le consentement des parties
Les parties qui ont signés un contrat doivent l’avoir signé librement et avec un consentement éclairé.
Qu’est ce qui peut entraver cette liberté ou vicier un consentement au point qu’il ne soit plus éclairé ?
L’article 1128 du code civil nous répond : « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans les-quelles le consentement a été donné. »
Quelques exemples pour illustrer ces notions.
L’ERREUR
L’article 1132 du Code civil dispose : « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du contractant ».
L’article 1133 du Code civil poursuit : « les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté »
1ère exemple :
Par arrêt en date du 13 novembre 2024, la Cour d’appel de ROUEN a jugé que l’infestation d’un immeuble par les vrillettes pouvait être constitutive d’une erreur sur les qualités essentielles de celui-ci et entraîner la nullité de la promesse de vente de l’immeuble : Arrêt Cour d’appel de ROUEN du 13 novembre 2024 (n°23/02435)
Un propriétaire s’était engagé à vendre à ses locataires la maison que ces derniers louaient ; la promesse avait été faite sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt. Avant la finalisation, une expertise a révélé l’infestation de vrillettes au sein de l’immeuble ; les bénéficiaires de la promesse de vente (les locataires) n’ont donc plus voulu lever l’option d’achat et ont refusé de régulariser l’acte de vente, malgré l’obtention de leur prêt immobilier.
Les locataires ont mis en avant le fait que le logement avait subi un dégât des eaux avant sa mise en location et que faute de traitement adéquat, la prolifération de vrillettes avait été favorisée. Ils affirmaient n’avoir pas été informés du dégât des eaux qu’au jour de la signature de la promesse et qu’infesté de parasites, l’immeuble avait perdu de sa solidité, qualité essentielle à leur consentement.
Ils soutenaient que s’ils en avaient eu connaissance, ils n’auraient pas contracté ou auraient contracté à des conditions différentes.
Il convient de souligner que les locataires n’ont pas demandé l’annulation de la vente pour vice caché, pour laquelle ils devaient démontrer que la structure de l’immeuble le rendait impropre à sa destination, alors que pour la nullité de la promesse, l’erreur sur les qualités essentielles de la chose suffisait. De plus, les bénéficiaires n’étant pas des professionnels de l’immobilier, l’erreur avait toutes ses chances d’être jugée excusable.
Le propriétaire pour sa part relevait que la présence de vrillettes avait été localisée sur une poutre, mais n’affectait pas son entière structure. De plus, selon lui, la poutre et les escaliers avaient été remis à neuf, ne démontrant plus la présence d’insectes. Enfin, il soutenait qu’il avait remis un chèque aux bénéficiaires pour réaliser les réparations sur les désordres présents sur le parquet de la chambre et le palier du logement. Selon lui, les appelants ne rapportaient pas la preuve d’une erreur sur les qualités essentielles du bien, puisque ce dernier n’était plus affecté de vrillettes.
Le propriétaire a donc assigné en paiement de l’indemnité d’immobilisation et en dommages et intérêts les bénéficiaires.
Le tribunal judiciaire de Rouen a accédé à ses demandes et les a condamnés à payer l’indemnité d’immobilisation.
Les bénéficiaires ont alors formé un appel contre ce jugement.
La Cour d’appel de Rouen a jugé au contraire que la présence de vrillettes constituait un défaut affectant la qualité substantielle de l’immeuble que les bénéficiaires de la promesse étaient légitimes à connaître avant de se déterminer à lever l’option d’achat. Il était également démontré que s’ils en avaient une connaissance ils n’auraient pas contracté ou à des conditions différentes.
Surtout la Cour d’appel a relevé que réalisation des travaux postérieurs à la conclusion de la promesse était inopérante dans la mesure où la validité du consentement s’appréciait au jour de la formation du contrat et que cette erreur était excusable pour les acquéreur profanes, lesquels n’étaient pas devenus des professionnels de l’immobilier par le simple fait d’avoir été locataire auparavant dans le logement.
2ème exemple :
L’erreur sur la solvabilité de l’emprunteur peut conduire à la nullité du cautionnement
Cass. com., 9 oct. 2024, n° 23-15.346, B
Une cession de fonds de commerce a été conclue entre deux sociétés. Le prix a été financé par un prêt contracté auprès d’une banque, garanti par deux cautionnements. La société cessionnaire a été placée en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement. Ces derniers ont demandé l’annulation des actes de cautionnement et ont engagé la responsabilité du notaire.
La Cour de cassation a jugé que si l’erreur sur la solvabilité du débiteur principal n’était en principe pas admise (Cass. 1re civ., 13 nov. 1990, no 89-13.270), en revanche dès lors qu’il est démontré qu’elle était une circonstance déterminante du consentement des cautions elle peut être admise (Cass. 1re civ., 25 oct. 1977, no 76-11.441; Cass. com., 1er oct. 2002, no 00-13.189).
S’agissant de la responsabilité du notaire, la chambre commerciale a précisé que même si les cautions étaient des tiers à l’acte notarié portant cession de fonds de commerce, le manquement du notaire à son devoir de mise en garde sur les résultats d’exploitation du fonds avait causé un préjudice à l’égard des cautions.
En conclusion, dès lors que les cautions avaient fait de la solvabilité de l’emprunteur une condition de leur engagement, la nullité du cautionnement peut être encourue. La responsabilité du notaire peut être engagée par les cautions en cas de manquement à son devoir de conseil et de mise en garde vis-à-vis de l’emprunteur.
LE DOL
L’article 1137 du code civil dispose : « Le dol est le fait par un cocontractant d’obtenir le consentement par des manouvres ou mensonges.
Constituent également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un do le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».
Le dol se définit comme l’erreur provoquée par l’autre partie au contrat ou un tiers au contrat, dans le seul but de tromper une personne et la pousser à régulariser un contrat.
La réticence dolosive (omission volontaire de révéler une vérité à quelqu’un) rend toujours excusable l’erreur provoquée.
Exemple 1 :
Réticence dolosive sur la situation financière de la société cédée : aucune obligation de se renseigner à la charge du cessionnaire professionnel
Cass.com.18 sept.2024, n°23-10.183
Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 septembre 2024. Par conséquent, il ne saurait être reproché au cessionnaire professionnel de ne pas s’être renseigné sur la situation financière de la société cédée afin d’exclure la réticence dolosive.
Le cessionnaire de parts sociales d’une société a assigné le cédant en annulation de la cession lui reprochant d’avoir commis une réticence dolosive sur la situation financière de la société cédée.
La cour d’appel a rejeté la demande au motif que l’acheteur ne s’était pas renseigné sur la situation financière de l’entreprise, ayant commis une erreur inexcusable. Le cessionnaire a formé un pourvoi en s’appuyant sur le principe selon lequel « la réticence volontaire d’une partie portant sur une information qu’elle savait déterminante pour son cocontractant constitue un dol et rend toujours excusable l’erreur provoquée ».
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel et a confirmé sa jurisprudence : une réticence dolosive rend toujours excusable une erreur provoquée.
Réticence dolosive du franchiseur concernant l’ouverture des procédures collectives à l’encontre de ses franchisés lors de conclusions de contrat
Cass.com.26 juin 2024, n°23-14.085
La dissimulation intentionnelle des procédures collectives survenues sur le réseau de franchise entre la remise du document d’information précontractuel et la signature du contrat de franchise, peut être constitutive d’un dol. À ce titre, elle entraine la nullité du contrat et la responsabilité du franchiseur.
LA VIOLENCE
L’article 1140 du code civil dispose : « Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable ».
Il s’agit là d’une pression exercée sur une personne afin qu’elle contracte. Cette violence peut être physique ou morale.
La violence morale : menace de perte d’emploi, menace de perdre son procès si les conditions d’honoraires de l’avocat ne sont pas acceptées, etc…
La violence physique : notamment les contrats signés dans le cadre des sectes.
La violence économique : exemple du contrat d’assistance commerciale conclu entre une société coréenne et un fabricant français dans la mesure où ce contrat lui a été extorqué grâce à des pressions exercées par un membre de l’ambassade de France en Corée, ce dernier utilisant le papier à en-tête de l’ambassade pour persuader ses interlocuteurs de son influence de façon telle que le cocontractant croyait qu’il était en mesure de lui fermer définitivement le marché coréen, de sorte qu’il n’avait d’autre alternative que de signer le contrat d’assistance commerciale