PRESTATION COMPENSATOIRE

 

  • Définition :

La prestation compensatoire est destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. L’origine de la disparité doit résulter de la rupture du mariage.

La demande de prestation compensatoire n’est recevable que si elle a été formée au cours de la procédure de divorce : Cass. civ. 1, 23-06-2010, n° 09-13.812.

Dès lors elle ne peut être présentée lors des opérations de liquidation de la communauté. Le principe et le montant de la prestation compensatoire s’apprécient à la date à laquelle le divorce a pris force de chose jugée : Cass. civ. 2, 11-02-1998, n° 96-12.917,  civ 2 du 26-06-1996, n° 94-15.564 et  civ. 2, 13-06-1985, n° 83-16.446.

Demande en appel.  La demande de prestation compensatoire, accessoire à la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel, tant que la décision, en ce qu’elle prononce le divorce, n’a pas acquis la force de chose jugée : Cass. civ. 1, 14-06-2005, n° 04-12.373,  civ. 1, 06-07-2011, n° 10-14.816, F-D ; Cass. civ. 1, 10-07-2013, n° 12-23.332.

 

  • Office du juge

Dans le cadre d’un divorce judiciaire, il appartient au juge de se prononcer et de fixer la PC. Il peut procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs, pour le compte des époux sans opposition du secret professionnel.

Dans le cas d’un divorce par consentement mutuel les époux pourront fixer son montant dans la convention. Ils certifient sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoines et conditions de vie, par moyens de déclarations sur l’honneur qui seront annexées à la convention de divorce.

S’agissant de divorce judiciaire, afin d’éclairer le juge, les époux fournissent une déclaration sur l’honneur  certifiant de l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. Cette déclaration est obligatoire dans le cadre d’une demande de prestation compensatoire (Cass. civ. 2, 13 mars 2003, n° 01-13.907).

 

  • Critères d’appréciation et d’évaluation de la prestation compensatoire

Pour apprécier le montant d’une prestation compensatoire, il faut se poser un certain nombre de questions : Il y aurait-il une disparité entre les situations financières des époux après le divorce ? La disparité trouve-t-elle son origine dans la rupture ?  etc….

Mais dans la pratique comment ça se passe ?

Les juges peuvent considérer que la disparité de vie préexistait pendant le mariage parce que les époux avaient adopté pour le régime de la séparation de biens pendant le mariage.

Dans un arrêt du 24 septembre 2014, la cour de cassation a rappelé « que l’un des époux ne peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu’il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l’union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; que c’est en se plaçant au jour où elle statuait que la cour d’appel, après avoir constaté que les époux étaient séparés de fait depuis vingt ans, qu’ils avaient changé de régime matrimonial pour adopter celui de la séparation de biens, liquidé la communauté ayant existé entre eux et poursuivi chacun de leur côté une activité de promotion immobilière, sans que l’épouse n’ait demandé de contribution aux charges du mariage depuis la séparation ni de pension alimentaire au titre du devoir de secours lors de l’audience de conciliation, a souverainement estimé que la disparité dans les conditions de vie respectives des parties ne résultait pas de la rupture du mariage » (Cass. civ. 1, 24 septembre 2014, n° 13-20.695, FS-P+B+I ; confirmé encore par Cass. civ. 1, 1er février 2017, n° 16-13.504).

En d’autres termes, la disparité s’apprécie bien au jour du prononcé du divorce mais cette disparité peut avoir préexisté au divorce.

 

Il faut souligner que l’objectif de la prestation compensatoire n’est pas d’aider un époux dans le besoin ou de rectifier les inconvénients d’un régime matrimonial choisi, mais de compenser un déséquilibre financier dans les conditions de vie respectives des époux, issu de la rupture du mariage.

De même,  le fait que les époux ait attendu plusieurs années avant de demander le divorce (par exemple 10 ans après être séparés de fait) peut desservir l’époux qui souhaite demander une prestation compensatoire. En effet, en se plaçant au jour du divorce, après une longue période entre la séparation de fait et le prononcé du divorce, les juges peuvent être tentés de rejeter une demande de prestation compensatoire au motif que le déséquilibre n’est pas dû au divorce lui-même mais à la séparation de fait dont les époux ont eu beau jeu de s’accommoder durant toutes ces années.

D’autres critères comme l’âge des époux,  leur état de santé, la durée du mariage, les qualifications et situations professionnelles des époux, leur situation respective en matière de pensions de retraite,  les conséquences des choix professionnels fait pendant la vie commune pour l’éducation des enfants ou pour favoriser la carrière du conjoint et enfin leur patrimoine estimé ou prévisible après liquidation font partie des critères qui permettent au juge de fixer le montant de la prestation compensatoire due par un époux à un autre.

Le juge ne doit pas tenir compte de la vie commune antérieure au mariage mais prendra en considération la durée de la vie commune postérieure au mariage (Cass. civ. 1, 18 mai 2011, n° 10-17.445, FS-P+B+I).

La part de communauté devant revenir à chacun des époux ne sera pas prise en compte comme critère de disparité par le juge, en revanche le juge pourra s’en servira pour en fixer le montant. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, que les juges doivent tenir compte du patrimoine prévisible des époux après la liquidation du régime matrimonial, pour fixer, non pas l’existence d’une disparité et donc du droit à prestation compensatoire, mais le montant de la prestation compensatoire.

Quels biens prendre en compte pour dire s’il existe ou non une disparité ? La réponse est simple : tous les biens des époux, qu’ils soient communs, indivis, propres ou personnels.

Doit-on prendre en compte les allocations familiales ? Certainement pas, la jurisprudence est constante depuis des années sur ce point : Cass. civ. 1, 15 février 2012, n° 11-11.000 ; Cass. civ. 1, 10 janvier 2018, n° 16-18.478; les allocations familiales ne sont pas des revenus, et elles sont destinées aux enfants, pas aux époux.

Attention cependant à ne pas compter les allocations familiales parmi vos ressources lors de la déclaration de vos revenus.  La Cour de cassation a  soutenu dans une affaire dans laquelle l’épouse avait déclaré ses allocations familiales et  de soutien familial comme ressources dans ses conclusions d’appel,  qu’elle n’était pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures : Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-10.731.

La pension d’invalidité est en revanche prise en compte comme revenu.

 

 

Et quid si  la disparité financière et /ou professionnelle qui existait déjà avant le mariage et qui  existe toujours après? Autrement dit les juges doivent ils prendre en compte le « avant-après » du mariage pour se prononcer sur la disparité du fait de la rupture ?

Certaines juridictions dissidentes se sont risquées sur cette voie qui consiste à affirmer que les différences existant au jour de la rupture ont toujours existé – même avant le mariage-  (disparité relative au revenu, à la fortune, voire même à la catégorie socioculturelle des époux)   mais la cour de cassation juge depuis plus de 10 ans que la disparité ne doit d’apprécier qu’uniquement au moment de la rupture : Cass. civ. 1, 8 juillet 2020, n° 18-26.101.

 

LE VERSEMENT DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE

 

Le principe : sous forme de capital

Concernant le versement de la prestation compensatoire, en principe, l’article 274 du Code civil dispose que la prestation compensatoire est versée sous forme de capital mais l’article 276 du même code pose une exception en ce que le juge peut autoriser à verser la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

 

La révision de la prestation compensatoire sous forme de rente

« La prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère peut être révisée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties ;
Prive sa décision de base légale au regard des disposition de l’article 276-3 du Code civil la cour d’appel qui pour rejeter la demande de révision formée par le mari, retient que les revenus de ce dernier ont augmenté entre 2015 et 2016, alors qu’il convenait de rechercher, comme elle y était invitée, si la diminution de revenus invoquée par le débiteur, depuis la décision ayant fixé le montant de la rente, constituait un changement important dans sa situation » : Cass. civ. 1, 19 septembre 2019, n° 18-19.850

On sait que l’article 276-3 du Code civil permet une révision en cas de « changement important » dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, et que l’alinéa deux du texte interdit toute révision à la hausse. En d’autres termes, ces prestations compensatoires sous forme de rentes sont fragiles, puisque l’on peut les revoir à la baisse, par exemple, en cas de remariage, ou de partage de charges, du créancier de la rente, mais aussi en cas de baisse des revenus du débiteur. C’est ce dernier qui était en cause en l’espèce, où l’ex-mari, notaire de son état, alléguait une baisse de revenus entre l’année 2008 (date du divorce) et 2016 lorsqu’il fut jugé par la cour d’appel. Pourtant, son argument ne fut pas retenu par les conseillers d’appel, ces derniers préférant retenir que les revenus du notaire avaient augmenté entre 2015 et 2016. L’erreur de raisonnement est flagrante. Les pôles de comparaison sont : jour de la fixation de la rente initiale (divorce) et jour où le juge statue sur la demande de modification de la rente. Il est certes possible que les revenus aient progressé entre ces deux dates, mais s’ils sont (au jour où le juge statue sur la demande de révision) malgré cela toujours inférieurs aux revenus du débiteur au jour où le juge a statué, la révision peut être envisagée.

 

Rente viagère :

Son attribution ne peut être qu’exceptionnelle depuis la loi du 30 juin 2000 (article 276 code civil) puisque le juge ne peut fixer une rente viagère que si l’âge et l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins.

Par décision rendue le 15 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution, les dispositions du premier alinéa de l’article 33-VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 prévoyant les conditions de révision, suspension, ou suppression des prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-596, du 30 juin 2000, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.

Il résulte de ce qui précède que les créanciers de rentes viagères fixées sous l’empire du droit antérieur à la loi du 30 juin 2000 ne pouvaient légitimement s’attendre à ce que ne s’appliquent pas à eux, pour l’avenir, les nouvelles règles de révision des prestations compensatoires destinées à remédier à des déséquilibres.

 

 

Calcul de la prestation compensatoire

Cinq méthodes de calcul tirés de la jurisprudence ou de la doctine sont généralement utilisées  par les praticiens de droit, étant cependant  précisé que la législation actuelle ne prévoit l’application d’aucun barème ou méthode de calcul pour l’évaluation de la prestation compensatoire mais seulement la prise en considération des critères de l’article 271 du code civil.

 

Ces méthodes sont les suivantes :

  • CA de Paris : 20 % du différentiel des revenus annuels x 8
  • CA de Lyon : 20% différentiel de revenus x moitié durée du mariage
  • S.DAVID : 20 % différentiel de revenus x valeur de substitution
  • D. MARTIN SAINT LEON : selon barèmes âge du créancier, durée du mariage
  • A. DEPONDT : prise en compte de la capacité d’épargne et correctifs selon durée mariage, nombre d’enfants et âge du créancier
  • S. DAVID et BWG : méthode par ajustements

 

 

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